Joseph-Eugène, le curé inventeur...

Le curé Joseph-Eugène Choquette

Le curé Joseph-Eugène Choquette, fils de Joseph-Édouard Choquette et Virginie Foisy, est né le 20 avril 1858 à St-Mathias, comté de Rouville. Ordonné prêtre le 4 décembre 1881 à Farnham, il devient curé de St-Agnès du Lac Mégantic. Un curé plutôt original, si l'on en juge par ce qui suit:


Extraits tirés de La Revue canadienne (pas de date):

"La population de Sainte-Agnès du Lac Mégantic a rendu, le 17 septembre dernier, les suprêmes et derniers hommages à son curé, l'abbé Eugène Choquette, décédé à l'hôpital de Sherbrooke, au cours d'une opération exploratrice qui ne laissait d'ailleurs aucun espoir de survie. Les obsèques furent imposantes. Nos Seigneurs LaRocque et Chalifoux présidèrent la triste cérémonie. (...)

M. le curé Choquette fut un personnage éminent: éminent par ses qualités personnelles et par la conduite générale de sa vie; éminent par son zèle apostolique et par ses oeuvres curiales et sociales; éminent par une caractéristique toute particulière et fort rare qui en fit le curé le plus original des Cantons de l'Est et peut-être de toute l'Amérique. (...)

M. Choquette était âgé de 61 ans. Il naquit à Saint-Mathias de Rouville, fit ses classes au séminaire de Saint-Hyacinthe, fut professeur au collège de Sorel, puis vicaire à la cathédrale de Sherbrooke (1881-1883), curé de Compton (1883-1896), et enfin curé de Mégantic jusqu'à sa mort (1896-1918). (...)

La desserte paroissiale lui laissant des loisirs, il se livra à la pratique d'expériences et d'amusements physiques dont il eut la passion dès son jeune âge. C'est à Compton, raconte la légende, que M. Choquette tenta une première expérience publique qui eut un effet inattendu. Ayant fait l'acquisition d'un piano mécanique - ce qui était alors une nouveauté - et désirant être agréable à ses paroissiens, il annonça un grand concert sacré et invita toute la population de Compton. A l'heure fixée, M. Choquette, le dos tourné à l'assistance, commence à tirer de son piano des harmonies du plus bel effet. "Mais notre curé est un grand musicien, se disaient les paroissiens entre eux, nous l'ignorions totalement." Tout allait bien et sans répit, lorsqu'une dame anglaise, fascinée sans doute par le jeu impeccable de l'artiste, fut entraînée jusqu'à la balustrade et aperçut l'instrument. "Ah! that's a machine!" s'écria-t-elle et, indignée, elle sortit aussitôt de l'église et fut suivie d'une grande partie de l'assistance. (...)"

Le curé Choquette a fait construire la nouvelle église de Mégantic "l'un des plus beaux et des plus vastes monuments gothique de notre province." Il a mené une campagne de tempérance en faisant fermer une douzaine de "buvettes".

"Il était connu, à Montréal et à Québec, dans le clergé et chez les laïques, chez les Anglais aussi bien que chez ses compatriotes, comme le scientiste amateur le plus universel et le plus expert. C'est à ce titre que nous avons voulu en parler dans La Revue canadienne. (...)

Durant les vacances de ses dernières années d'étudiant (1876-1880), au début de la période des grandes inventions modernes, il fabriqua des téléphones et des microphones, assez primitifs d'abord, mais qu'il perfectionna petit à petit jusqu'à en faire des instruments parfaitement utilisables. (...)

Curé de Compton, il attacha une dynamo à un moulin à vent, monta des accumulateurs et eut son éclairage électrique personnel. En cela, il précédait de trente ans les industriels qui offrent aujourd'hui de petits complets électriques pour l'éclairage des maisons particulières. A Mégantic, son ambition s'accrut jusqu'à la construction d'une usine destinée à donner l'éclairage à toute la ville. Il en surveilla lui-même les travaux de première installation. Il continua, jusqu'à sa mort, de diriger le fonctionnement des appareils, à l'usine, dans les rues et jusqu'au sommet des poteaux! Les paroissiens n'apercevaient pas sans étonnement leur curé, monté à vingt-cinq pieds au-dessus de terre et s'apprêtant à réparer le désordre d'un transformateur avec la gravité qu'il apportait en chaire à corriger d'autres désordres.

Choquette, J-E, prêtre 4 déc. 1881 - "le prêtre électrique"
Annotation marginale dans l'index des baptêmes de la paroisse St-Mathias pour l'année 1858.

M. le curé Choquette fit aussi de la photographie et il excella particulièrement en cet art. (...) Il "croquait" tout: paysages, groupes, individus, scènes de la rue, scènes d'intérieur, chez lui et chez les autres, souvent hors de la connaissance et malgré la défense formelle des premiers intéressés. De ces croquis improvisés, et des plus osés, il tirait des transparents, parfois des caricatures, qui devenaient les clous les mieux réussis et les plus acclamés de ses séances de lanterne magique.

En étirant la pellicule humide d'un négatif il parvint à donner au chapeau haut-de-forme d'un confrère de fort petite taille une hauteur égale à la personne du propriétaire et projeta le tout sur l'écran en une séance solennelle de lanterne!(...)

Des malins ont proclamé que, dans tout physicien, il y a un mystificateur qui sommeille. Nous nous permettrons d'écrire, tout en protestant de nouveau notre grande vénération pour sa personne, que M. le curé Choquette se plut avec délice à confirmer cette boutade. Il aimait à mystifier, à surprendre, à étonner. Simple histoire de s'amuser et d'amuser ses amis! (...) Il pratiquait les tours de cartes avec un art consommé. Les exercices de patience, les boîtes à fermeture secrète, l'oeuf de Colomb, il possédait tout et tirait de tout de piquantes récréations. Ce qui récréait moins c'étaient les chocs électriques qu'il administrait, autrefois, à tout venant, avec une désinvolture telle que ses hôtes les plus intimes ne pénétraient pas dans sa maison sans appréhension. Longtemps, lorsqu'il était jeune, le marteau ou la poignée de la porte, les bras des chaises furent chez lui reliés à une puissante bobine électrique qu'il commandait sournoisement à l'aide d'un bouton de contact dissimulé sous le tapis du plancher. Le visiteur, qui avait échappé aux pièges tendus à la porte, échappait rarement à la chaise traîtresse! Alors M. Choquette riait, riait de si bon coeur que le malheureux supplicié finissait par rire lui-même et se réjouir même à la pensée des contorsions de celui qui le suivrait sur la chaise fatale. A table, un autre bouton secret déclenchait une espèce de piano mécanique dont le son paraissait venir de la rue et continuait, avec changement de morceaux, durant tout le repas. Un visiteur, un jour, ayant apparemment goûté cette musique, chercha discrètement dans la rue le tenace joueur d'orgue de Barbarie afin de lui donner une pièce blanche.

Il y avait aussi des boutons posés sur le bureau, des boutons d'appel, semblait-il, mais auxquels rien ne répondait. M. Choquette jouait souvent avec ces boutons, les pressant l'un après l'autre, en présence de ses hôtes. Ses gestes répétés étaient comme une invitation à l'imiter. Malheur à l'imprudent qui portait la main sur ces mystérieux points blancs. Une aiguille traversait l'un d'eux, se fixait résolument dans le doigt de l'imprudent et provoquait un cri de douleur en même temps qu'une exclamation de gaieté chez le mystificateur.(...)

Sa bibliothèque, ses instruments de physique, de musique, et autres, ses collections photographiques et phonographiques, il a tout légué aux maisons d'éducation qui lui étaient chères: aux séminaires de Sherbrooke et de Saint-Hyacinthe, au couvent et au collège de Mégantic. (...) Il a fondé deux bourses d'étudiant au séminaire de Sherbrooke. Le reste de ses biens, sauf quelques menus legs aux membres de sa famille, est attribué à l'évêché de Sherbrooke."

Autres notes biographiques sur le site de la Bibliothèque du Lac-Mégantic



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